<b>Faible ou fragile ?</b> On cite souvent la formule de Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », pour mettre en avant les vertus de l’adversité surmontée...
Faible ou fragile ? On cite souvent la formule de Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », pour mettre en avant les vertus de l’adversité surmontée. L’autre jour, une dame que je voyais en consultation à Sainte-Anne m’a appris que l’inverse était parfois vrai. Après m’avoir raconté comment beaucoup d’épreuves dans sa vie l’avaient peu à peu usée et fragilisée, elle conclut : « Dans mon cas, ce qui ne m’a pas tuée m’a rendue plus faible. » Elle avait un peu raison : les cicatrices psychologiques de ce qu’elle avait vécu continuaient de l’endolorir, après des années. Il me semblait qu’elle avait fait tous les efforts et les progrès possibles. Du coup, j’étais un peu ennuyé pour lui répondre, je n’aimais pas qu’elle puisse repartir avec cette idée de faiblesse inexorable dans la tête, sans que je ne l’aie discutée avec elle. Nous en avons donc bavardé un bon moment et notre échange a porté sur la différence entre faiblesse et fragilité : sincèrement, je ne la trouvais pas du tout faible mais extrêmement fragile. Il y a dans l’idée de faiblesse un jugement moral qui me dérange en général, et me dérangeait dans son cas particulier. Et surtout une notion d’impuissance à faire face à certains événements de la vie, qui ne me semblait pas non plus lui correspondre : elle faisait face, mais cela lui faisait mal. Cette dame ne me semblait pas faible mais fragile. Personnellement, quand je me sens faible, cela me décourage et me détourne de l’action à l’avance. Quand je me sens fragile, cela ne me dissuade pas d’agir, mais me pousse plutôt à la prudence et la conscience que je vais devoir agir précautionneusement, et sans doute avoir besoin des autres. Finalement, la fragilité, c’est une faiblesse active, sur laquelle on ne porte pas de jugement de valeur (et à qui on ne reproche donc rien).
Fuente: Et n'oublie pas d'être heureux. Christophe André. Odile Jacob. Paris.2014.
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